Un petit billet du jour, partage, sans prétention, de pensées d’un humain parmi vous …
La montée en puissance des nouvelles technologies pose la question de la place de l’humain dans sa cohabitation avec les machines. Ainsi, savoir définir ce qu’est l’humanité devient primordial, essentiel. J’assistais hier soir à un dîner-conférence sur le thème de l’intelligence artificielle, dont le principal intervenant était le mathématicien, lauréat de la médaille Fields et député, Cédric Villani. Son propos clair, illustré, brillant a brossé un monde « augmenté » d’une innovation au service de l’humanité.
Puis, pour donner une autre perspective, intervint le philosophe, Jean-Michel Besnier. Sa vision plus contrastée a abordé La question, celle de l’humanité. Autant Cédric Villani, s’appuyant sur la possible influence des élections américaines via Facebook, indiquait que l’on pouvait décrire et contrôler une personnalité au travers de 5 critères, 5 malheureuses données, laissant l’humain à une entité simple, autant Jean-Michel Besnier mettait en avant une définition plus « sociale ». Ainsi, il précisait que l’humain se caractérise au travers du langage, de l’intelligence, de la gratuité.
Le langage permet à l’humain de dire ce qui n’est pas, d’évoquer un futur, voire de mentir. Le mensonge serait aussi une caractéristique de l’humanité, source d’émotions. « L’homme est de glace aux vérités ; il est de feu pour les mensonges. » nous indique Jean de la Fontaine. Ma lecture des accords Toltèques m’a appris que nous devions privilégier la parole impeccable, c’est-à-dire respecter sa propre vérité, son authenticité. Au final, le langage, singularité de l’humanité, est à la fois un levier et une arme. Seul le discernement personnel permet de distinguer l’intention de la parole.
En ce sens, l’intelligence, instrument de la conscience,permet à l’humanité de ne pas agir de manière automatique, selon des processus prédéfinis, mais de faire preuve de discernement, de créativité, d’adaptation, en tenant compte de données émotionnelles, irrationnelles, du monde qui l’entoure. L’intelligence s’oppose au simple instinct animal, et vient défier l’être, son essence, dans le collectif. L’enjeu repose sur sa propre conception de la relation aux autres, de ses propres valeurs, du sens que l’on souhaite donner à sa vie.
Enfin, sans reprendre la citation de Saint-Exupéry (« Quand je donne … »), la gratuité illustre le plus beau des cadeaux fait par un humain, le fait qu’il puisse agir sans attendre un quelconque retour, qu’il soit mercantile ou émotionnel, pour le bien de l’humanité, du collectif. Ainsi, il écrit de la poésie, peint, chante. Il prête secours, il assiste, il aide, juste parce qu’il a envie de le faire. Cette gratuité va évidemment à l’encontre des valeurs purement économiques et de l’organisation de la société. L’humain s’inscrit ainsi dans le temps long, pour la pérennité de son espèce.
Ces caractéristiques, si on ne prend pas gare, peuvent être menacées par la culture numérique. Le langage s’appauvrit, la capacité à douter est amoindrie du fait de l’instantanéité de l’information, la gratuité disparait sous les coups de butoir de nos peurs. Or, pour contrer ce processus de « mécanisation » de l’humanité, l’éducation, l’apprentissage des nouvelles technologies, doivent permettre à l’homme d’entrer en résistance.
Juste pour préciser un sujet de controverse. La résistance n’est pas une action à mener contre les autres, mais bien pour soi. Accepter les autres du moment où ils n’empiètent pas dans sa propre liberté, qu’ils acceptent votre différence, dans une forme de tolérance mutuelle. S’émanciper, c’est apprendre à résister à être, à rester ce que l’on est, des humains, en usant de sa parole authentique, en faisant preuve de discernement et d’intelligence, en sachant donner sans attendre de retour. Pour l’anecdote, je remarque que, quand vous cherchez seulement à vous affirmer, à affirmer votre droit à l’existence, à être soi tout en ayant conscience de vos qualités et de vos défauts, vos peurs alors disparaissent. Vous ne pouvez plus qu’engager des relations d’égalité avec les autres, ni au-dessous, ni au-dessous. C’est à ce moment-là bien précis que l’on vous reprochera de vouloir être tout simplement vous-même, soi, car échappant à une forme de pouvoir.
Un humain parmi les autres. Pas plus. Pas moins. Résister est bien un combat de tous les jours ! Je crois que c’est même le plus beau des combats …
Publié le 14 décembre 2018