Dans le cadre de la conférence Aitex 2018, où j’intervenais sur les impacts des nouvelles technologies sur le citoyen et la société, je comprenais que la réalité dépasserait des idées qui pouvaient paraître alors saugrenues.
En effet, j’apprenais alors le boycott des marques Danone, Afriquia et Sidi Ali, en avril dernier au Maroc. Sous l’égide de belles pensées et d’un dessein des plus nobles, il s’avérait que l’origine sur les réseaux sociaux ne relevait pas d’une simple insurrection, mais bien d’une stratégie. Comment de simples messages pouvaient désarçonner les entreprises a priori les plus solides ! Le PDG de Danone, Emmanuel Faber, a dû même annoncer une baisse de l’ordre de 10 % sur les prix du lait et le lancement d’un « format économique » pour contrer la chute des ventes constatée depuis mai.
Ce phénomène peut s’avérer extrêmement dangereux, source de disparition d’emplois, puis de déstabilisation de l’économie, enfin de la société et des systèmes politiques démocratiques. Face à la grande réactivité des réseaux sociaux, l’éducation devient cruciale et de plus en plus urgente. Les institutions, les pouvoirs peuvent se montrer relativement impuissants et se faire dépasser par une déferlante de « fake news ».
En fait, nous sommes tous responsables. Les réseaux sociaux, les nouvelles technologies rendent chacun d’entre nous acteurs. Les espaces de liberté nouvellement créés doivent être apprivoisés, compris, acceptés et surtout maîtrisés. En ce sens, l’ignorance n’est pas une réelle liberté. Seule la prise de conscience des différentes options et de ses choix dans un collectif est la garantie d’une certaine maîtrise du progrès pour la société, et donc pour l’humanité.
Ainsi, on évoque souvent l’importance de l’éducation, que l’on résume trop souvent à l’usage des réseaux sociaux ou des nouvelles technologies. Certes, faire prendre conscience à des adolescents, mais aussi à des adultes, que tout ce qui sera publié, partagé sur les réseaux sociaux, pourra les engager aujourd’hui, demain. Est-ce suffisant ? Combien d’entre nous n’a pas été pris dans des effets de groupe, en participant, sans le vouloir, à un lynchage médiatique via réseaux sociaux interposés, pensant alors défendre ses valeurs, sans évoquer ceux qui avancent masqués, sous des pseudos !
Or, sans plagier les accords toltèques, clés d’un bonheur tant recherché, la parole doit être impeccable. Les mots ont une véritable valeur et doivent refléter nos pensées les plus profondes. Les écrits restent, les paroles s’envolent. Ainsi, toute forme de communication peut engager des réactions en chaine non maîtrisées, d’autant plus dans le monde complexe et systémique d’aujourd’hui.
Le seul rempart reste le comportement des individus. Aussi, savoir faire preuve de discernement, douter de soi, de ses convictions, doit être le prélude à toute forme d’écriture, de partage d’idées, d’engagement, malgré le contexte frénétique de nos vies et de la spontanéité qu’appellent les réseaux sociaux. Or, douter n’est pas du tout ce qu’enseigne la société. L’école, l’éducation, généralement cherchent à plutôt développer la capacité des individus à faire preuve d’autorité, de leadership, si sûrs de leur fait. Est-ce compatible avec une quête personnelle de vie ? Il n’y a pas un seul chemin, mais tant de possibilités pour tous. Cette aptitude fait appel à une réelle démarche personnelle, initiatique, que seul un éveil philosophique permet d’engager. Eduquer ? Evidemment ! Apprendre à douter, à s’interroger ? Probablement !
En conclusion, les nouvelles technologies offrent un champ de possibilités tellement vaste, qu’il serait présomptueux de vouloir en maîtriser tous les chemins. Pour éviter de devenir des « apprentis sorciers », vivre en acceptant l’ouverture et la sérendipité est une première étape. Prendre conscience de sa liberté (individuelle dans un collectif) est probablement l’étape ultime du salut de nos sociétés actuelles.
Publié le 8 octobre 2018