Toujours apprendre, et surtout en période de crise

Face à la pandémie de Coronavirus, le message du Président de la République a été clair et a mis l’accent sur l’impérieuse solidarité entre les citoyens, notamment entre les générations, certaines d’entre elles pouvant être plus affectées que d’autres. Ce sont dans ces moments-là, si particuliers, qu’une nation réagit, que chaque individu comprend sa responsabilité pour le bien du collectif et des futures générations. Ces mêmes sentiments d’unité, de fraternité, surviennent aussi quand la nation célèbre des événements heureux ou malheureux comme les attentats de 2015. Il n’y a alors plus de mise en avant ou de revendication de nos singularités. Elles s’effacent devant l’absolu nécessité de cohésion et de cohérence.

Est-ce finalement humain d’attendre d’être au bord du gouffre pour prendre conscience d’enjeux plus importants, plus essentiels, pour notre survie et surtout d’une nation, voire de notre espèce ? Est-ce que ce nouveau défi qui vient s’imposer à tous sera le catalyseur d’une prise de conscience plus aigüe de notre fragilité, de notre pérennité, entendant par ces mots, celui de notre humanité ? A ce jour, l’enjeu va bien au-delà de sa propre conscience et de son rapport au danger. Il s’agit beaucoup plus du devoir de tout un chacun, de tout citoyen de limiter toute transmission, de jouer le rôle d’un vecteur auprès de catégories de personnes plus risquées. C’est bien évidemment ne plus penser pour soi, mais surtout penser pour les autres, et assumer sa responsabilité dans le collectif d’une nation, de l’humanité.

Et pourquoi la crise liée à la pandémie du Coronavirus (Covid-19) ne serait-elle pas (enfin) cet événement qui ferait prendre conscience à chacun son rôle, sa responsabilité dans le tout ? Ainsi, au-delà de précautions sanitaires de bon sens, la société, les entreprises, les individus vont apprendre à interagir différemment, à travailler différemment. Tout le monde a en tête ces photos de satellite de la ville Wuhan, alors mise en confinement, qui affichaient une absence de pollution, du fait de la disparition quasi-totale de tout déplacement. Certes, l’économie s’est brusquement ralentie. Sans tomber dans une décroissance prônée par les mouvements écologistes, la question d’une économie différente, plus responsable se pose à nous. Ainsi, cette période compliquée de crise sera aussi une expérimentation pour un nouveau monde, ou du moins quelques éléments.

Le télétravail est évidemment une piste, soulignant l’importance alors du contact humain, sa singularité face aux échanges à distance. « La rareté du fait donne du prix à la chose. » dit Jean de la Fontaine. Ainsi, la question de la place de l’humain dans un monde digitalisé devient essentielle. Par exemple, en matière d’enseignement, les élèves et le corps professoral vont expérimenter, sur un temps plus long que quelques heures, des nouveaux modes d’interaction. Saurons-nous envisager des formes de généralisation post-crise de ces pratiques, en étudiant les impacts globaux, holistiques sur la société, sur les entreprises ?

La relocalisation d’activités plus ou moins stratégiques pour les entreprises est aussi un levier. Sur les dernières décennies, les entreprises ont délocalisé des activités dans des pays à bas coûts, pour bénéficier de leviers de performance essentiellement financière. Ceci s’est fait au détriment de pertes de compétences localement, et de l’émergence d’une dépendance. La France est aujourd’hui très heureuse de son autonomie en matière agricole, ce qui n’est pas le cas de la Grande Bretagne par exemple. Sur d’autres secteurs, les entreprises prennent conscience de leur dépendance vis-à-vis de pays asiatiques, dont la Chine, sur des approvisionnements de produits électroniques, de médicaments ou de conditionnement. Sans tomber non plus dans un nationalisme exacerbé, la question du rapatriement de chaines de production mérite d’être posée, d’autant plus que les leviers financiers s’amenuisent au regard de la montée des salaires locaux. De tels projets permettraient de redonner aussi du sens aux entreprises, du travail et donc de l’utilité à des citoyens qui ont été « exclus » de la création de valeur dans la société, base de mouvements comme les Gilets Jaunes.

Enfin, cette période de probable ralentissement économique peut pousser les entreprises à s’interroger sur leur modèle économique, leurs indicateurs de pilotage, aujourd’hui très financiers et court-termistes, bien que déjà certaines ont intégré des éléments du bien-être au travail. Savoir se projeter dans le temps long, sans l’opposer au temps court, car sans temps court, il ne peut y avoir de temps long, est un défi pour construire une économie plus responsable, qui saura intégrer tous les leviers et impacts sur l’humanité, mettant l’humain au cœur de sa stratégie.

En synthèse, la crise du Coronavirus qui sera surmontée, pourra être un événement de prise de conscience de tous et d’accélération pour une nouvelle économie, une nouvelle société, plus responsable, plus intégrante, plus pérenne. Savoir apprendre toujours, se réinventer, remettre en cause les acquis, cultiver la culture du doute, autant de leviers pour la pérennité de l’humanité. Plus humaine.

Human Ahead !!

“Diriger et apprendre ne sont pas dissociables.” – John Fitzgerald Kennedy

 

Publié le 13 mars 2020